Le coup de coeur Avril 2009      
Chainas  - Anaisthêsia

Anaisthêsia - Antoine ChainasSi le roman noir s'inscrit, s'ancre dans les faits et méfaits de notre société, Antoine Chainas lui, va chercher ses personnages à la périphérie de celle -ci.
A l'instar de Désiré St Pierre: en marge, seul flic noir de sa brigade. Mais aussi dealer.
En marge: un accident l'a rendu insensible à toute douleur, la sienne et celle d'autrui.
En marge, dans une banlieue où tout n'est que violence et délabrement.
Et seul: "Une lettre d'ami, mais elle n'est pas pour moi, le facteur s'est trompé". Désiré partage son temps entre l'enquête sur "la tueuse aux bagues", une serial killeuse bien étrange et ses visites au service neuropsychiatrique qui s'occupe de son cas. Il doit aussi gérer ses ex copains qui voudraient bien comprendre où est passée la cocaïne hydrochloride qu'il convoyait lors de son accident. Il passe ainsi du milieu des flics à celui des dealers en passant par les trafiquants du sexe mais rien ne change, la corruption est partout. Finalement, l'endroit où il se sent le mieux est celui de la clinique où il évolue au milieu des étranges cas neurologiques du docteur Zymanski, les êtres humains qu'il semble le plus comprendre.
"Chez moi tout ressemble à une coupure" explique le personnage principal de Chainas. Nous pourrions dire la même chose de l'écriture de cet écrivain, aiguisée comme un scalpel, tranchant à vif dans les abcès qui rongent les êtres humains. Une écriture méthodique, chirurgicale, froide et précise pour mieux nous plonger dans les passions et les vices des hommes. Avec, idée géniale, un observateur extérieur à la race. Désiré ne souffre plus il n'est donc plus réellement et techniquement vivant. Il peut donc survivre, du moins quelque temps, au mal absolu. Mis peut on résister longtemps à la bêtise des hommes?
Cette histoire est d'un côté un récit intemporel et totalement irréel et pourtant ce grand roman noir s'ancre complètement dans la réalité d'une humanité déliquescente et gangrenée jusqu'à la moelle.
Certains penseront que " Anaisthêsia", comme "Versus", le précédent roman d'Antoine Chainas exagère dans les déviances et les situations outrées. Je reste persuadée au contraire que ses personnages définissent parfaitement notre société parce que, au final, celle-ci est totalement responsable des monstres qu'elle crée. Parler des marges, c'est tout simplement être au cœur des problèmes qu'elle engendre. Antoine Chainas l'a intégré. Digéré. Et il sait parfaitement nous le raconter.

Corinne Naidet          precedent coup de coeur     haut de la page      suivant

     
 




 
 
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