Le coup de coeur de 2012

     

thc

 

Mapuche de Caryl FereyUn roman bouleversant, au sens propre du terme. De la veine des grands romans qui font des vagues dans votre cœur et votre esprit. Et qui vont y rester longtemps après avoir tourné la dernière page. Modifiant quelque peu vos repères.
En toile de fond, l'Argentine actuelle, sa misère et les dizaines de milliers de laissés-pour-compte de ce pays qui a basculé directement de la dictature à l'ultralibéralisme. Avec toujours, les mêmes caciques au pouvoir ou presque. Ceux qui avaient instauré un terrorisme d'état, tortures et disparitions permettant d'éteindre toute velléité de révolte ou même de simple contestation. Ils n'ont évidemment pas envie aujourd'hui de voir resurgir les fantômes du passé. Ceux que recherchent inlassablement les mères de la place de Mai devenues grands-mères depuis.
Jana et Rubén sont aussi des fantômes, des survivants. Jana, une Mapuche, une indienne déracinée sans liens et sans logement qui pouvait toujours disputer sa part aux chiens et aux miséreux qui rôdaient dans les rues de Buenos Aires. Jana, traumatisée à l'aube de son adolescence et qui a refusé sa féminité jusqu'à empêcher  ses seins de pousser. Rubén, enlevé à douze ans avec sa sœur et son père qui n'en reviendront pas. L'enfant sera  torturé puis remis en liberté pour qu'il raconte. Mais il n'a jamais rien dit. Mourir ou devenir fouiIl avait vu la Mort, celle que l'on ne doit pas voir sous aucun prétexte, sauf à devenir fou. 
Et ces deux survivants, l'une artiste, l'autre détective privé vont se trouver. Parce qu'un copain travesti de Jana est découvert assassiné, parce que son autre ami va disparaitre, Rubén va enquêter sur ces crimes et comprendre bientôt qu'il est sur la trace de ceux qui, pendant la dictature, récupéraient les enfants de ceux qu'ils tuaient pour les confier à des couples proches du pouvoir, stériles ou en désir d'enfants.
Parce que Jana et Rubén ont connu l'indicible, ils vont se parler avec leurs corps, avec leurs yeux. Mais la folie et la violence ne leur laisseront aucun répit.
Il n'est pas facile de raconter les horreurs d'une dictature mais aussi les méfaits de l'ultra libéralisme sans tomber dans certains travers, une surenchère de violence, un sentimentalisme de bas étage, ou bien encore un manichéisme dérangeant. Caryl Ferey évite tous ces écueils. Toujours en équilibre. Toujours sur un fil.  Son roman nous entraîne dans un tourbillon de violences et d'actes inhumains, mais chacun de ses personnages, à commencer par les bourreaux,   est totalement ancré dans l'humanité. Quant aux victimes, elles pourront aussi laisser leur humanité aux chiens ou aux chats de passage pour assouvir cruellement leurs vengeances.
Heureusement il y a encore quelques âmes bleues…Et les poètes. Dont Caryl Ferey.

 

Corinne Naidet          precedent coup de coeur     haut de la page coup de coeur 8

 
 




 
 
© 1996-2009 La Noir'Rôde - Assossiation pour la Promotion du Polar Une réalisation JL2I Logo: Jacques Ferrandez